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22 avril 2020

Comment gérer ma douleur chronique pendant le confinement ?

Comment soulager ma douleur chronique pendant le confinement ?

Le confinement n’empêche pas une bonne gestion de votre douleur chronique

La gestion de la crise du COVID-19 a imposé le confinement.  Cette mesure nécessaire a brutalement interrompu la continuité des soins mis en place pour l’évaluation et le traitement de votre douleur chronique.  Le résultat est clair : un arrêt des soins.  Et avec lui, bon nombre de questions, de doutes, de craintes pour vous, patients, petits ou grands, qui présentez des douleurs chroniques.

« Je souffre de douleur chronique et je ne peux plus être soulagé ».  C’est peut être cette phrase que vous avez en tête depuis le début du confinement.

Croire que votre douleur chronique ne peut plus du tout être soulagée pendant le confinement est une croyance dysfonctionnelle.  Celle-ci aura pour conséquence d’augmenter votre douleur chronique, ses répercussions fonctionnelles et les émotions négatives.

Une trousse à outils de stratégies non médicamenteuses pour faire face à la douleur chronique

Dans cet article, nous vous proposons 7 outils inspirés des thérapies comportementales et cognitives [TCC] de la douleur chronique.

Ces outils sont valables pour les adultes, les adolescents et les enfants qui présentent des douleurs chroniques.

Votre trousse à outils, simple et efficace, permet de vous aider à gérer correctement votre douleur chronique.

Trousse à outils pour gérer sa douleur chronique

Cette trousse à outils a 3 caractéristiques :

  •  elle est un complément à votre traitement médicamenteux antalgique et ne le remplace pas.  Si votre traitement prévoit des médicaments contre la douleur, vous devez continuer à prendre ceux-ci correctement
  • elle est utile quelle que soit la pathologie qui est responsable des douleurs [migraines, céphalées de tension, lombalgie, fibromyalgie, syndrome d’Ehlers-Danlos, douleurs abdominales fonctionnelles chez l’enfant …]
  • elle est efficace.  Chez l’adulte, les thérapies cognitives et comportementales [TCC] ont démontré leur efficacité depuis plusieurs années sur la douleur, l’activité physique, le handicap fonctionnel, la fatigue et les troubles de l’humeur dans des études randomisées et contrôlées d’une durée allant de 6 à 30 mois (1) (2).  Chez l’enfant et l’adolescent, différents programmes de TCC ont également été évalués avec des résultats similaires à ceux obtenus chez l’adulte (3)

Voici maintenant vos 7 outils !

Corriger vos pensées/croyances au sujet de la douleur chronique

Vous avez des pensées, des interprétations au sujet de votre douleur.  Et votre manière de penser à votre douleur modifie votre façon de vous y adapter.

La plupart des patients avec douleur chronique peuvent présenter des distorsions cognitives au sujet de leur douleur.

Une distorsion cognitive est une interprétation erronée de faits objectifs ou d’une situation.  Il s’agit de mauvaises interprétations au sujet de votre douleur.  Ces interprétations apparaissent de façon automatique.

Ces interprétations erronées ou croyances dysfonctionnelles vont entraîner des répercussions concrètes : augmentation de l’intensité de la douleur et des répercussions fonctionnelles, diminution de la qualité de vie, impact négatif sur l’humeur, stress/anxiété, sentiment d’impuissance …

Voici un exemple de distorsion cognitive qui est d’actualité.

« Je souffre de douleur chronique et je ne peux plus être soulagé depuis le confinement car mes soins ont été arrêtés ».

Cette croyance dysfonctionnelle et incorrecte ne peut que vous mettre en difficulté.  Certes, la plupart de vos rendez-vous en kinésithérapie, psychologie, algologie sont actuellement suspendus.  C’est une réalité.  Mais cela ne signifie pas que vous ne pouvez rien faire ou rien mettre en place pour soulager votre douleur.

Vous avez un rôle ACTIF à jouer dans l’évaluation et le soulagement de votre douleur.

Votre tâche va consister à repérer vos distorsions cognitives et à les modifier en adoptant d’autres pensées alternatives.

Pour vous y aider vous pouvez utiliser 3 techniques cognitives :

  • la banalisation des pensées : les pensées ne sont que des pensées
  • la validation des pensées négatives : il est normal d’avoir des pensées négatives en présence d’une forte douleur
  • le bouclier cognitif : utilisation d’une métaphore pour mettre à distance immédiatement les pensées négatives

La métaphore utilisée dans le bouclier cognitif est celle du pilote d’avion qui est dans une situation d’urgence car les réacteurs sont en feu.

« Que penseriez-vous si le pilote dans cette situation d’urgence se disait à ce moment qu’il a raté sa vie, qu’il n’aurait jamais dû divorcer, qu’il n’aura jamais la carrière voulue, que ses collègues ne l’apprécient pas ….. »

Vous allez penser que ce n’est pas le moment de penser à ça ! L’urgence consiste à faire atterrir son avion.  Et bien pour vous, lorsque votre douleur est plus importante, l’urgence est de la gérer et non pas d’imaginer des scénarios catastrophes qui n’arriveront probablement jamais.

Prenons un exemple.  Repérons et corrigeons une distorsion cognitive :

Distorsion cognitive en lien avec la douleur chronique

En corrigeant votre distorsion cognitive, vous avez appliqué une technique de restructuration cognitive.

Avoir des attentes réalistes pour le soulagement de votre douleur

L’objectif en matière de soulagement de la douleur chronique n’est jamais d’arriver à zéro douleur.  Si ce zéro douleur survient, c’est très bien et c’est alors un peu comme la cerise sur votre gâteau.

Votre tâche consiste à avoir des attentes réalistes et positives par rapport à l’amélioration ou au soulagement de votre douleur chronique. Cela ne se réduit pas uniquement à une diminution de l’intensité de la douleur évaluée de 1 à 10.

Le soulagement de la douleur consiste à réduire le caractère pénible de la douleur.  Celui-ci est constitué de l’intensité de la douleur, de vos réponses cognitives [pensées, interprétations], de vos réponses émotionnelles vis-à-vis de la douleur et de vos comportements.  Vous devez donc avoir des objectifs réalistes et positifs pour chacun de ces éléments.

Des facteurs biologiques, psychologiques, cognitifs, comportementaux et sociaux contribuent simultanément au maintien ou au développement de la douleur.  Vous devez prendre en compte systématiquement tous ces facteurs lorsque vous définissez vos objectifs et vos attentes.

C’est pour cette raison que l’approche biopsychosociale est utilisée pour évaluer et accompagner les patients avec douleur chronique.

qU’est-ce que l’approche biopsychosociale ?

Avoir une bonne réponse comportementale à la douleur chronique

Lorsque la douleur est plus forte ou lorsque survient un pic ou une crise plus intense, vous risquez de ne pas adopter  les bons comportements pour gérer cette douleur chronique.

Dans cette situation où la douleur est plus intense, il n’est pas rare d’éprouver un sentiment d’impuissance, de panique, d’anxiété, de désespoir.  Ceci peut conduire à vouloir réagir dans l’instant et de manière souvent désordonnée.

Vous pouvez alors adopter 3 attitudes impulsives, inefficaces qui vont renforcer votre sentiment d’inefficacité personnelle :

  • ne rien faire [se recoucher dans le divan, ne pas manger à midi, s’isoler et se replier sur soi, ne pas faire vos exercices de kinésithérapie …]
  • trop en faire [vouloir terminer les tâches ménagères prévues, être dans l’hyperactivité, rechercher de l’information sur internet …]
  • mal faire [prendre un traitement antidouleur que vous savez inefficace et qui vous a été décommandé par votre médecin, prendre trop d’antalgiques, boire de l’alcool ou abuser de toute autre substance …]

Face à une douleur plus intense, vous devez prendre le temps d’identifier les bons comportements à avoir. Vous devez également définir un délai raisonnable pour évaluer l’efficacité des comportements essayés pour diminuer le caractère pénible de votre douleur.

En situation de crise ou face à une douleur devenue plus intense, posez-vous 2 questions :

  1. Qu’est-ce que je peux faire dans les 30 prochaines minutes pour diminuer le caractère pénible de ce que je suis en train de vivre ?  Pour l’enfant également, il s’agit bien de ce qu’il peut faire lui-même dans les 30 prochaines minutes et non pas ce que vous allez faire pour lui.
  2. Qu’est-ce qui est le plus facile à modifier immédiatement ? Ce que je pense ? [Facteurs cognitifs].  Ce que je ressens ? [Facteurs émotionnels].  Ce que je sens ? [Sensations corporelles]

Accordez-vous ensuite 2 heures avant d’évaluer l’efficacité de ce que vous avez mis en place.

Dès que vous avez pu identifier les stratégies efficaces, vous pouvez alors les noter sur une check-list.  Lors de la prochaine crise de douleur intense, vous pourrez alors simplement suivre cette liste.  Cela vous évitera en situation d’urgence de choisir des stratégies inefficaces.

Dans le cadre de certaines pathologies comme le cluster headache (algie vasculaire de la face ou céphalée en grappe), il vaut mieux utiliser cette procédure avant la survenue des crises.  Vous vous demanderez alors à l’avance ce que vous ferez dans les 30 minutes qui vont suivre l’apparition de la prochaine crise.

Porter votre attention sur autre chose que votre douleur

Il existe un lien entre votre attention et votre perception de la douleur. La douleur est vue comme « un stimulus perceptuel exigeant de l’attention » (4).  Votre tendance naturelle consiste donc à faire attention à votre douleur (5).  Ceci conduit malheureusement à amplifier la perception de votre douleur.

Pensez à ce que fait souvent une infirmière lorsqu’elle doit faire une prise de sang.  Elle vous parle, elle attire votre regard sur autre chose.  Elle mobilise des stratégies de distraction de l’attention pour diminuer l’intensité de la douleur que vous pourriez ressentir lorsqu’elle va piquer.

Au lieu de vous focaliser sur votre douleur, choisissez des stratégies de distraction de l’attention.  Une stratégie de distraction sera d’autant plus efficace qu’elle reposera sur une tâche cognitive suffisamment exigeante pour diminuer les ressources attentionnelles allouées à la perception de la douleur.

Voici une manière simple d’orienter votre attention sur autre chose que votre douleur.  Il s’agit d’un exercice de centration sur la respiration. Il permet d’orienter votre concentration sur votre respiration et non pas sur votre douleur.

« La pleine conscience est quelque chose de simple, que nous faisons tous à l’occasion.  Il s’agit d’être pleinement centré, à l’aise dans le présent.  Sans rien n’y ajouter, sans rien chercher au-delà.  On développe sa capacité à porter une attention ouverte, respectueuse et bienveillante à l’instant présent.

Installez-vous confortablement, étendu ou assis.  Si vous êtes assis, tenez-vous droit, la colonne bien appuyée sur elle-même, la tête légèrement penchée vers l’avant comme si un fil tirait le sommet de votre crâne vers le haut.  Les mains peuvent être de chaque côté du corps ou déposées sur les cuisses.   Vous pouvez maintenant fermer les yeux.

Vous allez porter doucement votre attention sur votre respiration, sans chercher à la modifier ou à l’influencer.  Simplement l’observer.  L’inspiration ….. l’expiration.  Comme une vague, vous portez doucement attention aux cycles de l’inspiration et de l’expiration.  Vous pouvez aussi porter attention au bref moment où l’inspiration s’arrête pour devenir expiration et inversement à celui où l’expiration s’interrompt pour à nouveau devenir inspiration.  Vous observez ainsi votre respiration.

Il est normal que de temps à autre, votre attention quitte le moment présent.  Quand vous le réalisez, observez simplement ce à quoi vous étiez en train de penser et ramenez tout doucement votre attention sur le moment présent et sur votre respiration.  Inspiration et expiration ».

Toute activité qui mobilisera suffisamment votre attention est pertinente pour vous distraire de la douleur.

Eviter la kinésiophobie

Il faut bouger !  Cette recommandation vous avez du l’entendre souvent.  Qu’est-ce qui peut donc alors vous empêcher de bouger correctement et suffisamment ?

La kinésiophobie !

La kinésiophobie s’appuie sur le mécanisme de renforcement négatif.  Il s’agit de la peur du mouvement et de la réapparition de la douleur ou de la blessure.

Vous limitez souvent vos activités par peur de vous blesser ou de ressentir la douleur. Vous êtes dans une situation d’évitement lié à la peur. Hélas, moins vous bougez et plus vous aurez mal.  Vous entrez alors dans un cercle vicieux : perte de la masse musculaire, moindre résistance physique, risque accru de se blesser.

Vous allez devoir réapprendre à réaliser certaines activités ou certains mouvements pour expérimenter directement si le mouvement/l’activité que vous redoutez déclencherait réellement la douleur redoutée.

Cela s’appelle une exposition progressive.  Vous allez vous confronter régulièrement, en prenant des précautions, à l’activité physique et/ou au mouvement qui vous fait peur.

L’objectif est de vous permettre d’évaluer objectivement ce qui se passe réellement lorsque vous bougez.  Vous arriverez ainsi à reprendre progressivement une activité physique que vous jugiez impossible.  Votre peur de la réapparition de la douleur va diminuer.  Vous serez de moins en moins dans l’évitement.

Pratiquer le PACING

Il faut bouger encore !  Oui, mais comment bouger correctement pour ne pas se blesser ou ne pas avoir plus mal ?

En appliquant le PACING !

Le PACING consiste à adapter vos activités en respectant un certain rythme.  Il permet de réaliser vos activités sans augmenter la douleur.  Il s’agit d’une stratégie d’adaptation ou COPING.

Le PACING a 2 objectifs :

  • augmenter progressivement votre niveau d’activité
  • apprendre à respecter vos limites en FRACTIONNANT vos activités

Schématiquement, le PACING va permettre de remplacer « le cycle de la douleur » par « le cycle activité/repos ».

Cycle de la douleur

Cycle Activite Repos

Voici 4 étapes pour utiliser le PACING :

  1. découper/fractionner vos activités en intercalant des périodes de repos limitées
  2. évaluer pendant combien de temps vous pouvez rester dans une position ou une activité douloureuse avant que la douleur ne devienne sévère.
  3. évaluer combien de temps vous est nécessaire dans une activité plus reposante pour que le niveau de la douleur devienne acceptable
  4. alterner les 2 phases DOULEUR/REPOS au moins 70% de votre journée

Apprivoiser le confinement

Vos douleurs actuellement se vivent dans un contexte particulier.  Celui du confinement imposé par la crise du COVID-19.

Vous devez apprivoiser ce contexte particulier pour ne pas qu’il vous mette davantage en difficulté sur le plan strictement psychologique.  Vous éviterez ainsi que votre douleur chronique se complique.

cOMMENT MIEUX VIVRE LE CONFINEMENT ?

Article proposé par Thierry Joiris

Vous éprouvez des difficultés psychologiques durant le confinement ?  Vous ressentez le besoin d’en parler et d’être aidés ?  Vous pouvez prendre rendez-vous pour une consultation psychologique par vidéoconférence.

comment prendre rendez-vous pour une consultation par vidéoconférence ?

(1) Van Koulil S., « Cognitive-behavioral thérapies and exercise programmes for patients with fibromyalgia : state of the art and future directions », Annals of the Rheumatic Diseases, 2007; 66 : 571-581

(2) Thieme K., Turk D., Flor H., « Responder criteria for Operant and Cognitive-behavioural treatment of fibromyalgia syndrome », Arthritis Rheum; (Arthritis Care and Research), 2007;  57 : 830-836

(3) Klausen S., Ronde G., Tornoe B., Bjerregaard L., « Nonpharmacological interventions adressing pain, sleep, and quality of life in children and adolescents with primary headache : a systematic review », 2019; 12 : 3437-3459

(4) Eccleston C., « Chronic pain and attention : a cognitive approach », British Journal of Clinical Psychology, 1994; 33 : 391-405

(5) Eccleston C., Crombez G., « Pain demands attention : a cognitive-affective model of the interruptive function of pain », Psychological Bulletin, 1999; 125 : 356-366